Mohammad Rasoulof, à Cannes, le 23 mai 2024.

Il n’a rien perdu de son énergie. De constitution rude, au teint terne et aux cheveux grisonnants, Mohammad Rasoulof est venu à notre rendez-vous jeudi 23 mai, au milieu du Palais des Festivals de Cannes, seul, anonyme, souriant sous ses traits tirés et intacts. “Je ne voulais pas retourner en prison”, a-t-il résumé. “Je l’ai déjà été. J’ai été en cellule d’isolement pendant 40 jours dans une pièce aussi grande que ce canapé. Puis dans des cellules pas beaucoup plus grandes. Pas de torture physique – ils l’évitent avec les gens qui ont accès aux médias – mais d’autres choses comme ne pas te laisser aller aux toilettes pendant des heures, ce qui fait que tu n’oses ni manger ni boire… Et puis j’ai été dans des prisons où tu es pratiquement libre de te déplacer, j’ai vu des choses étonnantes. qui ont eu les doigts coupés parce que c’est la peine selon la loi islamique. Ils ont une sorte de petite guillotine pour ça, sauf qu’immédiatement après, ils envoient les condamnés à l’hôpital pour les faire transplanter à nouveau. Parce que, alors que l’Islam dit qu’il faut couper. on les enlève, ça ne dit pas qu’on ne peut pas les recoller. Ils les renvoient en prison avec leurs greffons, d’autres non. Ils sont tous là avec leurs pansements.

Rasoulof vient de franchir à pied les frontières iraniennes, à travers les montagnes, pour échapper à une peine de huit ans de prison, dont cinq ans pour « collusion contre la sécurité nationale ». On ne peut s’empêcher d’admirer la résilience du réalisateur, qui n’aime rien de plus que démêler l’ambivalence de ses semblables. Le vendredi 24 mai, l’exilé clandestin du Festival présente La graine de la figue sacrée en compétition. C’est l’histoire d’un juge confronté au poids de ses décisions en période de révolte populaire. Les mollahs de Téhéran ont déjà interdit le film.

Comme dans ses films précédents, qui mettaient en lumière la misère sociale (Île de Ferprésenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2005), répression, exil, corruption (Au revoir, 2011 ; Les manuscrits ne brûlent pas2013 ; Un homme intègre, 2017 ; tous présentés dans le Un certain regard section), ou la banalité du mal (Il n’y a pas de mal, Ours d’or à Berlin en 2020), le réalisateur a cette fois encore contourné les interdictions. Il a tout fait « pour pouvoir travailler sans que rien ne sorte. Nous avons vraiment pris toutes les précautions. Une fois en post-production, je n’ai eu aucun souci. Le film n’était plus en Iran. Il était en tournage à l’étranger, mais pendant pendant tout le tournage, j’étais vraiment inquiète.”

Exil ou prison

Lorsque l’issue défavorable de son procès en appel est tombée il y a un mois, il avait quelques heures pour décider : l’exil ou la prison. Finalement, il a jeté les appareils électroniques, les téléphones qui pouvaient le retrouver, et est parti. Il lui a fallu trois semaines de clandestinité pour rejoindre sa fille, qui étudie la médecine en Allemagne, où il a obtenu l’asile politique. Et bien qu’il n’ait plus de passeport, Berlin et Paris ont accepté de lui permettre d’assister au Festival de Cannes. De son voyage, il n’en dit guère plus. “Il y a encore beaucoup de gens qui devront probablement quitter l’Iran. En général, ce type d’itinéraire se transmet en secret à l’intérieur de la prison. Il vaut mieux ne pas en parler dehors…”

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